7. Camp de base de l'Everest
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Octobre 2006 - Tingri
 

Montée vers le col Pang La en route vers le camp de base de l'Everest

 

Camp de base de l’Everest

Baipa 9 octobre.  Lever tôt et déjeuner rapide, nous avons une grosse tâche aujourd’hui, le Pang La, un col à 5200m et près de 1000m de dénivelé.  Les 12 premiers kilomètres sont pavés et nous les savourons pleinement, surtout que c’est un faux plat descendant.  Quelle joie…de courte durée par contre,  car une fois que nous avons pris la jonction à droite vers le Base Camp, la route était la pire jamais vue.  Planche à laver, gros cailloux, poussiéreuse, super étroite et le pire : les maudits jeeps!!!!  Ces conducteurs Chinois font la course folle vers le Base Camp comme si l’Everest risquait de disparaître sous peu!  Plus vite ils domptent leurs touristes, plus vite ils pourront jouer aux cartes, boire du thé et fumer des cigarettes.  Des vélos sur la route…ils s’en foutent carrément.  Par deux fois, j’ai honnêtement pensé que j’y passais.  Ils n’ont absolument aucune considération.  Ils se suivent un derrière l’autre dans la poussière et si celui devant ne va pas assez vite, ils se dépassent à coup de klaxon dans les lignes droites comme dans les courbes.  Pis si t’as le malheur d’être dans les pattes, tasse-toi parce que pour eux, ralentir n’est même pas une option.  Honnêtement, ils sont malades et dans chaque nuage de poussière qu’ils soulevaient à leur passage, notre haine pour eux a atteint ses plus hauts sommets.

 

Vue depuis le vol à 5200m le plus haut col de notre épopé Tibétaine

Mais bon, au moins il y avait les paysages….grandioses!!!   Et nous, nous avions la chance de les regarder (parce que les touristes en jeep ne voient que de la poussière).  Vive les voyages à vélo!!!  Difficile, oui, mais tellement valorisants et pouvoir savourer ces instants de symbiose avec la nature est extraordinaire. 

 

La descente du col!!!  25km et 900m de dénivelé

Au début la route était en ligne droite à travers une large plaine, un faux plat montant.  Les montagnes autour sont rouge-brun, arides, sans aucune végétation et pas très hautes. On se demandait même où était le col.  On ne perdait rien pour attendre, après le poste de contrôle où nous devons montrer notre permis pour entrer dans le Parc National Qomolongma (Everest en Tibétain), les lacets sont apparus.  Une longue, très longue montée de 4 heures.  Nous sommes maintenant en forme et bien acclimaté et ça parait.  On souffre « un peu » moins mais Joël semble avoir plus de difficulté que moi avec l’altitude et nous prenons des pauses souvent.  Ce jour là, le soleil brillait, mais il faisait froid et le vent était tenace.  Durant toute la montée, on ne put voir aucune montagne sauf celle au nord.  Les quelques sommets enneigés qui émergent pas dessus cette mer de montagnes plissées rougeâtres sont magnifiques et une belle source de motivation parce que nous savions qu’une fois au col nous allions voir la plus haute montagne au monde.  À quelques mètres du col, on n’en voit toujours rien sauf les drapeaux de prière, mais de la minute où nous sommes passés dessous le plus beau panorama du monde s’est ouvert devant nous.  On sautait de joie, on avait presque les larmes aux yeux devant un si beau panorama.  Encaissé par deux montagnes qui forment un V, la ligne blanche à l‘horizon de toute la chaîne Himalayenne.  À moins de 100 km, plusieurs 8000m se tiennent fièrement au dessus des autres.  La Makalu, la Cho Oyu, l’Everest.  Wow…nous étions fiers, pas mal fiers.  Faut le faire quand même, nous étions à 5200m à vélo!  Et comme cadeau, le soleil brillait et il n’y avait plus une seule graine de vent.  Nous avons passé près de 2 heures au col à admirer et s’imprégner de se décor féerique…et bien sûr à prendre des photos.

 

En route vers le camp de base

Au col, un groupe de cyclistes d’une agence Autrichienne nous a rejoint.  Nous les envions avec leurs vélos légers, mais disons que c’était eux qui sont des plus impressionnés.  Surtout que 2 des 8 cyclistes ont abandonné la monté et que nous l’avons fait avec 45kg de bagages!  La descente, fut un vrai rêve.  Imaginez 20 km et 1000m de dénivelé et des dizaines et des dizaines de lacets avec les plus hautes montagnes du monde juste en face de nous.  Je regardais mon altimètre et je disais à Joël « il nous reste encore 800m de dénivelé, 500m… » alors que lui pensais que nous avions terminé la descente.  En bas, nous avons campé dans la plaine là où se rencontrent deux importantes rivières dans la pire tempête de vent à date.  Nous avons partagé le site avec les Autrichiens et avons un peu profité de leur tente repas pour manger notre spaghetti.  Il devient de plus en plus dur de souper car notre repas, déjà pas très bon, se refroidit après deux bouchées nous forçant à manger hyper froid.  Dégeu.  Mais, c’est la vie.

 

Petites filles dans le village de Tashi Dzom

Au réveil le vent était tombé, mais nous connaissions son pattern et il allait revenir vers midi et souffler de nouveau jusqu’à minuit.  Entre temps, nous avions la chance de longer une rivière aux eaux hyper limpides et de découvrir de nouveaux sommets à chaque virage.  À ce point-ci, l’Everest est caché mais, on ne perdait rien pour attendre.  La route est atroce, encore pire qu’hier.  Impossible de trouver une ligne, On passe dans la planche à laver et les grosses roches.  Nos corps en souffrent énormément.  Le moral est presqu’à terre.  La fatigue est là et le rationnement à tous les repas commencent à être difficile à supporter.  Dans ces conditions, ont devrait au moins manger à notre faim, ce que nous ne faisons jamais vu qu’il est très laborieux de se ravitailler au Tibet.  Nous expérimentons pour la première fois de nos vies ce que bien des gens vivent tous les jours, se coucher avec la faim. 

 

Comment ne pas être motivée par cette vue!

Après avoir descendu jusqu’à 4000m, nous devons de nouveau remonter jusqu’à 5200m, mais cette fois, sur une longue montée de 45 km.  Les paysages sont beaux.  Montagnes en roches en avant plan et recouvertes de neige en arrière plan avec une rivière de glacier qui coule au centre.  Nous traversons des villages tous les 10-15 km.  Les gens mendient et les enfants s’agrippent à nos sacoches ce qui est très dangereux.  La pauvreté ici est déchirante. 

 

Et oui, la plus haute montagne du monde!

En fin de journée, l’inclinaison de la route s’est corsée et Joël à « bunker » en bon langage cycliste.  Je le comprends, ce que nous venions de faire était très éprouvant, mais pour moi, l’espoir de bientôt voir apparaître le plus haut sommet du monde juste devant moi me donnait l’énergie supplémentaire pour avancer.  Et quand, au détour d’un virage, il est apparu, je n’en croyais pas mes yeux.  Là, tous juste à quelques km devant, l’Everest, le toit du monde à 8848m!  Fascinant, magnifique, incroyable, pure beauté.  Une montagne parfaite, toute de blanc vêtue, immense (elle rentre tout juste dans le grand angle de ma caméra).  Et, nous étions à vélo.

 

Matin un peu frisquet au pied de l'Everest
 

Nous sommes finalement arrivés au monastère de Rongbuk (le plus haut monastère au monde) vers 6h30, juste avant la noirceur et avons rapidement installé notre tente au fond complètement pour avoir la plus belle vue sur la montagne.  Imaginez au réveil (à -10C, mais ça on est rendu habitué), dézipper la tente et voir l’Everest.  Assez incroyable merci.  Nous avons pris une journée de repos super bien méritée et l’avons passée assis devant notre tente à se faire dorer la face au soleil tout en regardant la montagne.  Lecture, musique, sieste, lavage.  La belle vie quoi!  Le lendemain, nous sommes partis sans les bagages faire les 8 km qui restaient pour aller au Camp de Base, 200m plus haut et 8km plus loin sur une route fermée aux jeeps.  Pur bonheur.  Hier nous étions à 5200m et nous nous trouvions haut au sommet du col.  Aujourd’hui à 5200m, nous nous sentons si petit devant cette imposante masse blanche.  Je pense aux gens qui se tiennent au sommet du monde, en haut de ces 8848m.  Ça doit être extraordinaire.  Non, non, ne vous faites pas de soucis, ce n’’est ni dans mes plans ni dans ceux de Joël de la gravir. 

 

On voit souvent ces pierres sculptées de la prière Tibétaine le long des routes

Au retour, nous étions envahis par un tour opérateur qui terminait de monter la tente repas tout juste à 2 mètres en avant de notre minuscule tente, nous bloquant complètement la vue sur la montagne. Disons que cette fois là, j’ai sauté une coche!  Ces gens là n’ont absolument aucun respect.  En plus qu’hier soir, 3 chinois étaient venus stationner leurs jeeps à pas plus d’un mètre derrière notre tente….comme si il n’y avait pas assez de place autour!  Une chance que nous planifions de reprendre la route.  Avec l’altitude, le froid, la fatigue, la faim et les jeeps, on commence à être très irritable.  Vivement arriver vite au Népal. 

 

Ça c'est de la route!

Maintenant, nous avions une autre étape de faite.  Le dernier stretch de route au Tibet allait nous mener à la frontière avec le Népal.  Pour revenir sur la Friendship Highway, car c’est malheureusement la seule route qui se rend à la frontière, nous avons décidé de prendre le short cut.  Un nouveau pont vient d’être construit sur ce qui était avant un sentier qui se rendait à Tingri.  En fait, ce qu’ils appellent maintenant la « nouvelle route » pour Tingri, n’est qu’un sentier qui a été élargi par les jeeps qui passent par là.  Cette fois, c’était vrai, la route la plus difficile du voyage, je vous le jure.  En plus le vent s’est mis de la partie et le froid qui frise le zéro en plein jour.  Nous avons dû pousser nos vélos, traverser des rivières glaciales à pied, se cacher dans un abri de yak pour manger nos super nouilles Ramen et utiliser toutes nos dernières onces d’énergie pour pousser nos bécanes jusqu’à la ville.  La route montait et montait.  Y’avait presque pas de lacets.  Nous devions prendre des pauses souvent, mais on gelait, donc elles étaient courtes et ne nous permettaient pas de récupérer.  Et quand nous sommes arrivés sur un plateau, nous croyions que c’était le col, mais non, il nous restait encore un 10 km de faux plat avec un vent à écorner les bœufs.  Ça nous a pris plus de 4 heures parcourir 13km et quand nous sommes finalement arrivés à un petit monticule avec des drapeaux de prière, nous avons réalisé la force que nous avions.  Des « machines », comme dit Joël.  Je savais que ce voyage allait être difficile, j’ai à un moment donné douté de ma capacité de le faire, mais maintenant, je me rendais compte de la forme que nous avions.  Nous étions vraiment forts.  Le Tibet, ce n’est pas pour les moumounes!

 

Vue sur les Himalayas depuis Tingri
 

Anyway, pour revenir au paysage, débile.  Nous n’avons jamais été aussi près de ces sommets blancs et glaciers.  Sur ce vaste plateau entouré de montagnes, des yaks solitaires ici et là broutent sans être du tout influencés par le vent ou le froid ou les cyclistes fous qui passent dans le coin.  Nous avons aussi, au loin, vu un homme qui marchait seul.  Je me demande encore où il allait.  Avec le ciel bleu profond, les montagnes blanches, les petits patches de pelouse vertes et le sol rocheux rouge, l’ensemble était sensationnel.  Et nous étions finalement arrivés à la descente.

 

Scène de Tingri

Le plus beau cadeau que nous avons eu, fut le vent qui venait de tourner.  C’était jouissif.  Littéralement, il nous poussait.  Par chance car la ville était encore loin et nous étions crevés.  Avant de rejoindre une large plaine, nous sommes passés par des canyons rouges et des falaises qui semblaient tout droit sortir d’un musé d’art tellement c’était beau.  Vers 5 heures, nous ne savions toujours pas où était la ville.  Nous avons arrêté une jeep pour questionner et aussi, oui, …mendier.  En échange de jouer au mannequin pour au moins 100 photos, le groupe d’étudiants Chinois nous a donné des pommes, du thé vert glacé et des biscuits.  Un festin!!!  Le reste de la route, fut pénible et en piteux état.  Un faux plat descendant avec un vent de dos de force herculéenne.  Quelques petits villages et de plus en plus de gens.  Nous sommes finalement arrivés à Tingri à la tombée de la nuit, crevés mais incroyablement fiers de ce que nous venions une fois de plus de réaliser.  Le lendemain c’était ma fête.  La suite dans la prochaine mise à jour.

Chrystine et Joël au Tibet  xxx

 

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