6. Avant l'Everest 8 Octobre 2006 - Baipa |
Plein d'eau dans un petit village |
La suite des aventures… En entrant dans Lhatse, nous sommes un peu surpris. Nous croyions que c’était une ville assez grosse mais non, c’est en fait qu’une seule rue poussiéreuse d’au plus 1 km. Il y a bien des dizaines de commerçants qui s’alignent un à coté de l’autre et le marché ouvert, mais le ravitaillement se fait difficile. Premièrement, au marché, sur les, peut-être 40-50 étales, seulement 3 ou 4 offrent des produis « frais » un peu défraîchis et après la tournée de tous les commerces, nous n’avons réussi qu’à trouver des nouilles instants, des biscuits, des bonbons, 6 mini pains qui dataient certainement d’hier, quelques légumes, des pommes, du jus et une bière pour Joël (je suis encore un peu malade). Heureusement que l’ambiance dans notre « hôtel » est des plus sympathique. Dans ce petit hôtel tibétain, notre chambre s’ouvre sur la cours intérieure. Elle est très simple : deux lits avec des draps qui n’ont probablement pas été lavés depuis le début de la saison et deux énormes couvertes pesantes…le type qu’on a juste envie de se rouler dedans. Mais quand on pense que la saison a débuté il y a très longtemps, on sort les sacs de couchage. Heureusement, il y a une douche commune dans la cours qui offre ce qu’il y a de plus important : de l’eau chaude. Je ne vous parle plus trop trop de l’état de saleté dans lequel nous nous trouvons car, nous nous y sommes fait. On est sale, et on va le rester! Joël a même décidé que ça ne valait pas la peine de laver son linge! Il a un peu raison…si on le lave, le linge n’est pas encore sec qu’il est déjà sale! La poussière est omniprésente.
Le matin du 3 octobre, après avoir reçu la bénédiction du propriétaire et du 10e Pachen Lama (le deuxième plus haut chef spirituel du bouddhisme tibétain juste après le Dalaï Lama…en photo dans la doublure du chapeau de cowboy du proprio), nous prenons la route. Nous savons qu’elle est ouverte jusqu’à la ville de Sakya et qu’elle est ensuite fermée. Vu ce statut, nous ne savons rien de la route sauf que les premiers 25 km jusqu’à la jonction sont pavés. Notre belle surprise fut de trouver les autres 25 km jusqu’à Sakya aussi pavés….sauf que pour Joël cela ne faisait aucune différence. Ce fut à son tour d’être malade….mais par l’autre bout ! Il avait bien mentionné que ses œufs étaient dégeux au déjeuner…. Et pour rendre le tout encore plus agréable, nous avons eu un de ces vents de face débile avec d’immenses tornades de sable qui nous obligeaient à s’arrêter pour se fermer les yeux. Donc, ce qui pour une fois aurait pu être une petite route asphaltée avec tout juste un faux plat montant, s’est avéré un véritable enfer.
C’est à partir du monastère de Sakya que le Tibet fut gouverné entre 1268 et 1365. À l’époque, de nombreux bâtiments, uniques au Tibet car peinturé gris-bleu avec de larges lignes verticales rouges et blanches, formaient un village monastique prospère. Aujourd’hui, la plupart des bâtiments sont en ruine suite à la Révolution Culturelle Chinoise et la ville s’étire le long de nombreuses rues aux bâtiments tout neufs en verre bleu de 4 ou 5 étages tout à fait Chinois et bien sûr, vides. Il faut bien occuper le territoire, non ? Comme partout ailleurs, ils ont aussi aidé à la restauration de ce qu’ils ont détruit, question d’attirer les touristes et faire croire aux Tibétains qu’ils sont bons pour eux. Nous avons donc pu visiter le monastère construit sur les flans de la montagne. La région de Sakya est parmi les plus pauvres du pays. Nous y avons pris une journée de repos (après une nuit de 13 heures) et avons déambulé dans les rues de la vieille ville en portant un regard fasciné sur la vie d’ici. Les gens travaillent dur à la mousson, les maisons sont très simples et souvent en besoin pressant de rénovation. Les vendeurs de yak accrochent leurs carcasses maigres sur le coin de la rue poussiéreuse, pendant qu’à côté, une jeune fille se lave les cheveux sur le trottoir. Les enfants nous harcèlent avec leurs quêtes pour de l’argent et des stylos alors que les moines, tout de rouge vêtus, jouent avec leurs téléphones cellulaires. Pendant que la merde de yak sèche sur les murs de sa maison et que le toit entrepose la réserve pour l’hiver, une Tibétaine entreprend de râper une montagne de radis aussi sur le trottoir. Un chinois mange un bol de nouille accroupi dans les marches de son commerce/maison alors que le rideau, qui fait office de porte du restaurent voisin, réussit à battre au vent malgré sa saleté. Une mère cherche patiemment les poux dans les grands cheveux lisses de sa petite fille. C’est tout à fait fascinant et vraiment dépaysant. Nous sommes tellement loin de la rue St-Denis et de notre petite routine. Ce voyage devint, malgré sa difficulté, vraiment intense.
Vu que même à Sakya, nous ne pouvons trouver aucune autre information sur le route autre que ça prend un permis, chose que nous n’avons pas, nous décidons de partir de nuit pour passer le poste de contrôle qui se trouve dans le village voisin. 5 heures du matin, le déjeuner ne passe pas, il fait froid dans la chambre, ça doit être terrible dehors. Nous réveillons le garde de sécurité qui nous ouvre la porte sans trop comprendre ce qui se passe… et hop dans la nuit à la lueur de nos frontales. La lune est majestueuse et la ville encore endormie. On croise quelques personnes qu’on entend mais qu’on ne voit pas. Nous avons 5 km à faire avant le fameux village. Rendu dans le village, nous fermons les frontales, nos yeux s’habituent à la noirceur et mon cœur bat fort de stress. Nous n’avons aucune idée où se trouve le poste de police. Nous entendons des voix et un Tashi Delek. Devons nous répondre ?? Nous poursuivons notre route qui commence doucement à monter vers le col. Et tout à coup, l’aurore se lève et nous avons passé le village. Devant nous se dresse une longue montée…Youpi ! Pas youpi une longue montée, non, youpi, on a passé le village sans problème et on est en route vers un col majestueux sans avoir aucune idée de ce qui nous attend. Vive l’aventure. Par contre, un problème demeure, on gèle ! -5C !
La montée, en ligne droite au début, commence à se tortiller plus haut. On voit des sommets enneigés qui émergent depuis l’autre côté du col. J’ai hâte de voir la vue. Les derniers 500m sont hyper à pic mais la vue des drapeaux de prières, comme toujours est motivante, et à 4907m la surprise ! Devant nous s’étire sur plusieurs kilomètres la chaîne himalayenne avec ses sommets les plus hauts au monde. Ils sont encore bien loin mais on pense distinguer la silhouette de l’Everest. Est-ce possible ? On capote…est ce vraiment l’Everest qu’on voit devant ? Joël sort la carte, la boussole et prend une lecture. Oui, c’est l’Everest ! Wow !!!!! On l’a vu souvent, assez pour savoir c’est lequel, mais l’avoir là, droit devant, c’est incroyable ! Joël et moi, on saute de joie et on saute aussi pour se réchauffer...le vent nous transperce. Comme on s’apprête à commencer la descente, un Tibétain arrive sur son cheval. Sorti de nulle part, c’est un moment magique.
La descente est tripante. Imaginez, on descend à travers des montagnes de roches rougeâtres et devant nous, les plus grosses montagnes du monde. La route est en super bonne condition (presque difficile à croire) et j’ai tout autour de moi le Tibet que j’avais imaginé. On est seul au monde, à part le cavalier au col et un groupe de travailleurs de la construction, nous n’avons pas vu âme qui vive. Il fait maintenant assez chaud pour s’arrêter luncher dans un décor des plus bucoliques. De nulle part sort un grand papa avec un jeune homme. Ils nous observent de loin, s’approchent tranquillement et viennent finalement s’assoir près de nous. À part un Tashi Delek, nous ne disons rien et mangeons….nos nouilles Ramen ! Après quelques instants, il sort de sa besace une bouteille de chang (bière artisanale) et un bol en bois et boit un coup pour en suite sortir une semelle de botte Tibétaine qu’il est en train de confectionner avec de la laine de yak. Il est d’une patience exemplaire et me laisse l’observer de près et même se laisse prendre en photo. Par contre, je ne suis pas certaine qu’il comprenait quelque chose quand je lui ai monté ses photos sur l’appareil ! Avec le froid qui recommençait à se faire sentir, nous avons repris la route. Quelle journée ! Et ce n’était pas fini. La route était magnifique. On a perdu les montagnes blanches de vue mais elles ont été remplacées par un chapelet de petits villages uniques et tout a fait intouchés par les Chinois où les gens nous saluent en roi. Tout le monde travaille aux récoltes des céréales. Nous sommes en route vers une région de lacs sacrés et de temps en temps, nous croisons des caravanes de familles qui reviennent de pèlerinage. Ils sont tous très typiques et colorés portant leurs plus beaux habits, mais aucune conversation ne peut se créer car tous nous saluent avec la main tendue. C’est dur et très frustrant. Nous n’arrivons pas à avoir de véritables moments intenses et d’échanges avec ce peuple.
Nous manquions encore une fois d’eau quand nous sommes arrivés à une jonction. La carte indiquait la droite, mais aucune pancarte ne pouvait nous confirmer ce choix. Pendant que je prends une pause, Joël part en explorateur et revient convaincu, il faut aller à droite. Toutefois, on n’a toujours pas d’eau. On décide donc de descendre à la rivière. Pas 100m plus loin, j’aperçois un poste de contrôle. La police !!! Merde, on n’a jamais fait aussi vite demi-tour et remonté une côte à plus de 4000m d’altitude. On trouvera bien de l’eau plus loin. Effectivement, 5 km plus loin, nous en avons trouvé et avons trouvé le gros lot : une source thermale hyper chaude ! Fantastique. Sauf que nous n’étions pas les seuls… Du haut de la côte, un monsieur nous a fait signe « please come ». Nous voulions camper près de la dune de sable avec les deux tentes de nomades qui s’y trouvaient, mais ils nous ont convaincu que le vent n’allait qu’empirer et qu’on serait mieux dans une de ses « étables ». Ce qui un jour était des petites maisons en terre ressemblent aujourd’hui vraiment à des étables d’animaux. Quelle soirée ! Nous avons été dévisagés sous toutes nos coutures toute la soirée par toute la foule d’adultes et d’enfants qui était aussi en pèlerinage vers les lacs. Cette soirée aurait pu être magique, car c’était des gens tout à fait fascinants, sauf que ce fut une longue soirée à dire non à tout ce qu’il nous demandait et à essayer de fuir leurs regards vraiment agressant sur nous en tout temps. Nous avons du finir par accrocher mon paréo sur la porte pour avoir un peu d’intimité et fini par monter la tente pour dormir en raison de la poussière qui entrait par tous les trous. Malgré tout, ce fut une soirée mémorable…et une nuit pleine de visiteurs rongeurs !
La route du lendemain fut atrocement difficile mais certainement une des plus belles de tout le voyage. Au réveil, la lumière du soleil levant sur les dunes de sable avec les montagnes au loin, était majestueuse. Nous avons débuté la journée en traversant 4 rivières sans pont. La première, pas de problème, mais les deux dernières de plus de 20 mètres de large avec de l’eau glaciale…aille ça fait mal ! Au loin, nous voyions des dunes de sable et à force de pousser notre vélo dans le sable nous avons atteint le pied de ces immenses dunes. Imaginez, des dunes de sable beige avec en arrière plan les sommets enneigés. Wow ! Parfois, les dunes étaient sur la route, donc, nous devions pousser notre vélo pour en faire le tour. Quand, nous avons finalement fini par sortir dans cette plaine, un tout nouveau décor s’est offert à nous. Une rivière turquoise avec des montagnes rouges d’un côté et brun-jaune de l’autre, des champs verts et des plaques de sel blanc, toujours avec les hauts sommets blancs au fond. J’y repense et ce décor est certainement parmi les plus beaux que j’ai vu dans ma vie. Le paradis sur le terre….si on soustrait la route bien sûr, qui elle était tout sauf une route. Beaucoup de pauses photos plus loin, nous sommes finalement arrivés dans la plaine des lacs sacrés. Sur la carte, la route fait un immense détour par le fond de la plaine, on espérait qu’il y aurait un raccourci…ce qu’on trouva, mais dans tout un état ! Nous avons finalement atteint un petit village pour faire le plein d’eau avant la nuit et avons eu un super de bon moment autour du puits avec les gens du village. Un vieux monsieur pensait que Joël avait de l’alcool dans ses bouteilles et voulait en avoir. Nous avons bien ri quand Joël lui en a versé quelques gouttes dans son chapeau et que le monsieur s’est rendu compte que c’était seulement du « chu ». Tout le village était là et personne ne mendiait. Quel bel échange.
Une heure plus tard avec le vent dans la gueule et aucune place pour monter la tente, nous avons été heureux de trouver une carrière de gravier ! Wow…un mini abri du vent et surtout, après la nuit mouvementée d’hier, personne pour nous épier. Nous avons mangé un peu sablé ce soir là et pris la route sur sleeping bag très tôt sous les rayons rassurants de la pleine lune. En cours de nuit, nous l’avons perdue au profit des nuages et nous avons eu notre première neige tibétaine. Au réveil, toutes les montagnes autour étaient blanches et il neigeait encore sur les hauts sommets. Magnifique ! On s’inquiétait par contre un peu de la route par les hauts cols en route vers l’Everest, notre prochaine destination. Est-ce que ça allait passer ?
Encore une fois, ce détour loin du Friendship Highway nous dévoilait l’immensité et la beauté de notre planète. Mais misère qu’on les payait cher ces paysages grandioses ! Au bout du compte par contre, nous étions à chaque coup de pédale tellement heureux d’être seuls sur cette route et loin des sentiers battus par de plus en plus de touristes. La route allait retourner sous peu sur le Friendship Highway, et la journée s’est déroulée dans l’immensité des rives de la rivière Bum Chu. Plus nous approchions du FH plus il y avait de villages. Une fois l’asphalte retrouvé, nos fesses étaient heureuses et nos ventres aussi. Asphalte égale quand même ravitaillement. Dans le petit village de Baipa, nous avons eu une bonne douche chaude, un petit resto et un lit ! Demain, commence une autre grande étape, celle de se rendre au camp de base de l’Everest côté tibétain, bien sûr avec un col à 5200m à passer. La suite sous peu ! Tashi Delek !!! Chrystine et Joël au Tibet xxx |