11. Journal de trek dans le Langtang
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Octobre 2006 - Deuxième Partie

 

Un Népalais sur le trek

 

29 octobre

Ce matin, on nous réveille avec un thé fumant.  Quelques minutes plus tard, nous sortons de la tente et le déjeuner nous attend.  Pendant que nous déjeunons, la tente est pliée.  Incroyable.  Pas facile la vie de client.  Pour beaucoup, cela serait le bonheur, mais nous, on trouve que c’est trop.  Sauf…que nous ne pouvons rien faire.  Toutes les discussions se terminent de la même façon : «Nous sommes ici pour travailler, c’est normal de tout faire cela».  Nous n’avions d’autre choix que de s’adapter.

Il fait super beau et chaud, le ciel est bleu mais le soleil n’atteint pas encore le fond de l’étroite vallée.  Nous suivons la rivière dans une forêt magnifique en grimpant doucement, la trail est beaucoup plus facile que ce que nous avons connu.  La végétation est dense, d’immenses arbres nous entourent.  Par contre, le rythme est atrocement lent. Nous suivons Pimba en dépassant les porteurs lourdement chargés, chaussés que de sandales.  C’est presque frustrant après le marathon des 6 jours que nous venons de faire.  En plus, nous prenons des pauses régulièrement, ce qui n’avait pas été le cas non plus dans notre raid solo.  Une fois c’est pour le thé, la fois d’après pour se reposer, ensuite on passe 2hrs à relaxer le temps qu’ils nous concoctent un dîner de rois et encore un arrêt ici et un autre là.  On vient de changer de beat, on a le feeling que ce n’est plus autant sportif.


Langtang village

On apprend à connaître notre équipe.  Pimba est un grand montagnard, il a plusieurs ascensions de 8000m à son actif dont 5 réussites de l’Everest.  Il est solitaire, parle peu et son anglais n’est pas toujours facile à comprendre, mais il répond toujours à nos nombreuses questions.  Nous étions ravis d’avoir quelqu’un qui pouvait répondre à nos interrogations.  Notre cook est un bon ami de Pimba, il a aussi plusieurs expériences de grandes expéditions.  Déjà, après quelques repas, nous savions que nous n’allions plus jamais nous coucher le ventre vide.  Les portions auraient suffi à une équipe de 4 sauf que nous n'étions que 2.  Les deux assistants cook, sont hyper sympathiques mais ne parlent pas anglais.  C’est avec des sourires qu’ils communiquent.  Des autres porteurs, seulement un baragouine quelques mots d’anglais.  Le groupe est presque tout bouddhiste à part un porteur ou deux qui sont hindouiste.  Pimba, en commençant sa journée, murmure inlassablement ses mantras.

La journée fut courte aujourd’hui et nous sommes arrivés assez tôt à Langtang village pour profiter des derniers rayons de soleil tout en jouant une fois de plus au médecin avec un monsieur qui s’est blessé aux mains en tombant après une nuit bien arrosée.  Langtang, est un des plus gros villages de la vallée et possède une mini centrale hydro-électrique qui produit assez de courant pour que chaque maison puisse avoir un peu de lumière.  Il est situé dans une grande plaine et le paysage est ouvert sur les sommets autour mais toujours pas de vue sur le Naya Kanga que nous devons gravir bientôt.


Kyanjin Gompa


30 octobre

Que 2 petites heures ont suffi pour se rendre à Kyanjin Gompa, notre base pour les 3 prochains jours.  Le sentier grimpait doucement et plus on avançait, plus la vue sur les sommets se dévoilait.  Juste avant d’arriver au village, sur notre droite, tout en haut, nous avons aperçu le Naya Kanga.  Ouf….pas petit ce sommet!!  Il est entièrement couvert de neige et de glaciers.  Je me demande comment nous allons faire pour grimper aussi haut.  Le soleil brille et la journée est sublime.  Nous sommes heureux de cette petite journée, car nos 8 jours de marche commencent à se faire sentir.  Un peu de lavage dans une source chaude, de la lecture et repos la face au soleil avec un panorama éblouissant.

Dans le village, on monte les tentes dans une cours intérieure d’un lodge.  On utilise les lodges comme base cela permet de ne pas avoir à monter les tentes cuisine et repas.  On joue avec les deux enfants du propriétaire et on apprend qu’un groupe de Suisses sont devant nous et qu’ils veulent aussi faire le sommet et le col Ganja La. Ce que je ne vous ai pas dit, c’est qu’avec cet hiver précoce, nos chances de pouvoir gravir la montagne et passer le col étaient minces.  Notre guide doutait que nous serions capables mais il voulait aller voir par lui-même avant de prendre une décision.  Donc, si les Suisses ne redescendent pas, c’est que ça passe.


Le fameux Naya Kanga, 5844m.  Le Ganja La (col) est à gauche



31 octobre

Nous sommes à 3730m à Kyanjin Gompa et le froid ne donne pas envie de sortir du sleeping bag.  Le soleil prend du temps avant de passer par-dessus les montagnes et nous sommes bien contents ce matin du « morning tea» bien chaud.  Comme objectif aujourd’hui, gravir le Tsergo Ri, une montagne sacrée de 5000m située tout juste derrière le village et en face du Naya Kanga.  Du sommet, nous aurons une  belle vue et serons plus en mesure d’évaluer la faisabilité de le grimper.  Nous partons léger, seulement avec Pimba et Dorje (climbing sherpa).

La montée est hyper abrupte et très difficile.  On y va « slowly, slowly » et nous marchons au son des récitations des prières de Pimba.  Nous avons mis 4 heures pour le sommet et la dernière heure fut dans la neige à travers d’immenses rochers.  Un bon défi.  Au fur et à mesure que nous montons, le paysage change et devient complètement hallucinant.  Nous sommes réellement au cœur de l’Himalaya.  Tout autour, des sommets de plus de 7000m.  Sous le ciel bleu et le soleil, c’est magique.  Pas surprenant que ce soit une montagne sacrée.  Au sommet, des dizaines de drapeaux de prières flottent au vent et d’immenses corneilles attendent nos morceaux de chapatis.  Pimba et Dorje font une cérémonie et installent leurs drapeaux de prières, pendant que nous, nous nous remplissons les yeux de toute cette beauté.  Pour Joël, c’est une première.  Être si haut et si près des sommets nous fait rêver.  Nous avons une vue 360° mais malheureusement, comme tous les jours vers midi, les nuages vont vite nous bloquer la vue.

Nous avons par contre eu le temps de bien étudier le col et le sommet.  Pimba nous décrit la voie et nous montre le base camp et le high camp.  Je n’arrive pas à voir comment ça va être possible de grimper là haut, ça semble terriblement à pic.   Il y a beaucoup de neige et il n’est pas certain que ça passe.  Cette nouvelle nous attriste.  En plus, nous pouvons distinguer les tentes de l’équipe Suisse au base camp, alors qu’en théorie ils devraient être au high camp aujourd’hui.  Est-ce un autre signe que ça ne passe pas?

Nous sommes retournés au village par une grande boucle beaucoup moins à pic et plus facile pour mon genou qui déteste les descentes et sommes arrivés juste à temps pour le « 4 o’clock tea ».  On commence à y prendre goût!  La température baisse rapidement et il commence à neiger sur les sommets.  Encore des mauvaises nouvelles…


Vue partielle depuis le sommet du Tsergo Ri
C'était comme ça sur 360°

 

1er novembre

Nous sommes fatigués et aujourd’hui c’est off.  Nous réalisons l’ampleur du trek que nous avons tracé.  Pas facile du tout surtout enchaîné directement après notre traversée du Tibet.  Il a neigé toute la nuit et le temps semble vouloir être de plus en plus mauvais.  Nous ne sommes toujours pas certains de la faisabilité du sommet ou même du col.  Nous irons quand même voir avant de renoncer totalement.

Nous apprendrons plus tard que pendant que l’on se la coulait douce, Pimba devait argumenter avec les porteurs qui refusaient de continuer.  Ils trouvaient que c’était trop dangereux de tenter l’expérience et n’avaient pas l’équipement nécessaire.  C’est avec pas mal de tact qu’il a réussi à les convaincre de poursuivre.

Ce soir, nous mangeons au chaud autour du feu, le dernier pour un long bout de temps.


Pimba qui installe les drapeaux de prières après la cérémonie


2 novembre

Réveil dans les nuages, décidément, le sort est tombé sur nous.  On tente quand même notre chance et on se prépare.  On gèle de plus en plus.  La montée jusqu’au base camp n’est pas très longue, 2h30, mais très raide.  On marche dans la neige, transis par le froid.  Les porteurs ont beaucoup de difficulté à avancer et n’ont certainement pas l’équipement nécessaire pour le faire.  Ce point sera d’ailleurs une grande frustration par rapport à notre agence de trekking.  Nos porteurs n’ont que des souliers de toile de coton, des gants et une tuque tricotée à-la-va-vite et qui se détricote au fur et à mesure qu’on monte.  Nous sommes gelés, eux disent que ça va.  On ne les croit pas. 

Après une heure de marche, Pimba prend la décision de renvoyer un porteur qui depuis le début du trek traîne une blessure.  C’est trop dur et dangereux pour lui.  C’est donc Pimba qui prend sa charge, en plus de la sienne.  Une vraie machine!  Demain, elle sera redistribuée à tous les porteurs.  La pente frise les 30 degrés et on voit de temps en temps notre sommet entre deux nuages, tout le reste est blanc.  Nous sommes en admiration devant les porteurs qui travaillent tellement fort pour grimper leurs paniers.  On leur donne un coup de main quand on peut, mais malgré nos demandes répétées, il n’est pas question qu’on partage un peu de leur charge.  Selon Pimba, ils sont capables et ils sont ici pour ça.

Une fois au base camp, on monte tout le matos dans la neige : les deux grosses tentes pour la cuisine et les repas, la table, les chaises, etc.  La tente repas servira de tente pour les porteurs.  On apprend qu’ils n’ont pas de sleeping bag ni de matelas de sol.  Nous sommes terriblement frustrés de ce manque de professionnalisme envers les porteurs.  Pimba leur donne de vieux vêtements et nous, on essaie aussi de leur prêter quelques morceaux et nos matelas de sol (on utilise ceux que nous prête l’agence de trekking).  On passe l’après midi dans les nuages à geler pendant que Pimba part en exploration.  Il fera un aller-retour de 2hrs, sur la route du col.  Son verdict : ce sera très difficile, mais ça devrait passer.  Les porteurs sont réunis autour d’un feu de broussailles qui dégage plus de lumière que de chaleur.  Nous on prie pour que ça passe.  Dodo très tôt.


Notre High Camp au reveil


3 novembre

Ce matin, on se réveille sous un ciel bleu et le panorama depuis ce balcon sur la montagne est sublime.  Nous sommes tellement près de la montagne qu’il faudra attendre 10h pour prendre la route avec les rayons du soleil.  Joël et moi avons bien dormi malgré le froid et l’altitude, mais on n’arrive pas à comprendre comment les porteurs sont arrivés à fermer l’œil dans ce froid sans sac de couchage.  Je peux bien croire qu’ils dorment tous collés les uns sur les autres, mais quand même.  Je suis très déçu de ce traitement. 

La montée jusqu’au high camp est hyper difficile.  Il y a beaucoup de neige et on cale.  On marche sur de gros rochers glissants sur une pente de plus en plus raide.  Les porteurs en arrachent mais je suis impressionnée par leur habileté à manier leurs paniers qu’ils portent avec une courroie de tête.  On voit très bien le sommet et le col pendant toute la montée et on se demande toujours comment on va faire pour grimper là haut.  Il ne semble pas y avoir de route possible.  Plus on monte et plus il y a de la neige.  Par contre, il fait soleil et les vues sont incroyablement belles.  On voit le Tsergo Ri de l’autre côté de la vallée, il semble si petit déjà.  Les glaciers brillent.  Vraiment inspirant comme endroit.  En plus, les Suisses ne sont pas redescendus, donc, ça passe!

4 heures de marche plus tard, avec que de petites pauses d’une minute à la fois, (car si on arrête plus, on gèle), nous arrivons au high camp.  Un petit plateau dans un repli de la montagne, adossé aux parois rocheuses.  Avec le soleil qui brille encore, le site est parfait ou presque…il y a au moins 3 pieds de neige sous nos bottes et il fait -12°C!  Il n’y a plus un seul arbuste, donc pas de feu.  Notre tente est vite montée et on nous sert le thé avec de la soupe qui ne restera pas chaude bien longtemps.  Le soleil disparaîtra vite derrière la montagne, nous plongeant dans l’ombre dès 3h pm.  Le Naya Kanga est tout juste à côté….c’est une « grosse » montagne, elle fait peur.

On voit un sentier sur le Naya Kanga, ce sont les Suisses qui y sont allés, mais sans succès car la piste ne se rend pas au sommet.  Pendant qu’emmaillotée dans mon duvet et dans mon sac de couchage -30°C, à essayer de me réchauffer et d’arrêter de grelotter, Joël et Pimba partent en exploration.  Pendant qu’ils grimpent sur le glacier, je réfléchis à toute la situation.  Je vois les porteurs essayer de se réchauffer eux aussi. Leurs souliers et vêtements sont complètement trempés et ils n’ont rien pour se changer.  Ils sont tous collés sur les petits matelas de sol que nous leurs avons prêtés, à boire du thé, pendant que le cook et ces assistants font fondre inlassablement la neige.  L’aller retour au sommet prend normalement 9 à 10hrs.  Si les Suisses n’y sont pas parvenus, nos chances, seulement à trois, d’y arriver sont minces.  Les crevasses sont cachées par la neige fraîche, donc dangereuses.  Et en plus, durant toutes ces heures sur la montagne, les 11 autres personnes seront au high camp à geler et à risquer de tomber en hypothermie.

Joël revient avant Pimba.  Il a marché jusqu’au glacier et la route est très ardue.  Selon Pimba, la voie utilisée par les Suisses est trop difficile et « ouvrir » une voie dans tant de neige à 3 sera très difficile.  Il y a des risques d’avalanches.  Joël et moi discutons un moment pesant les pours et les contres, pour finalement conclure que tout ça représente trop de risques.  Je ne pouvais pas nous voir sur cette montagne pendant plus de 10hrs avec tous ces gens gelés en bas à nous attendre alors que nos chances de succès étaient si faibles.  Au retour de Pimba, nous lui annonçons la nouvelle.  Nous sommes certainement tous déçus, mais la montagne sera toujours là et nous pourrons facilement y revenir un jour.  Les plus heureux dans cette histoire sont nos porteurs. 

Nous soupons dans la tente cuisine parce que les brûleurs dégagent un peu de chaleur et dodo à 6h30.  Il fera -20°C cette nuit.  Nous sommes à près de 5000m.


En route vers le col (d'où l'on vient)


4 novembre

Au réveil, il fait -16°C dans la tente mais le ciel est bleu et le soleil sera de la partie, du moins jusqu’à midi.  Tout est complètement gelé, même nos bottes!  Impossible de les mettre, par chance nous avons les bottes d’escalade qu’on devait utiliser avec nos crampons.  Les porteurs eux, ont encore leurs souliers mouillés d’hier. On ne bouge pas vite ce matin et au déjeuner, y’a pas grand chose qui rentre.

Nous entreprenons l’ascension du col.  Nos jambes sont lourdes, la fatigue se fait sentir, nous avons le souffle court, misère que c’est difficile mais ho combien magnifique.  Ce sont parmi les paysages les plus grandioses que nous avons vus de notre vie.  Nous sommes littéralement dans la montagne.  Partout autour, les sommets pointent vers le ciel bleu.  Il fait froid, mais le soleil brille.  Ce col sera pour nous « notre » sommet.

Ce sont Pimba et Dorje qui ouvrent la piste en taillant des marches dans la neige.  Nous avons tous le sourire aux lèvres, mais nous savons que tout le monde travaille extrêmement fort.  Plus on monte et plus la pente est inclinée.  Les derniers 200-300m avant le sommet requièrent tout un équilibre.  Du passage enneigé d’à peine quelques cm de large, les risques de chutes de plusieurs centaines de mètres sont grands, alors nos guides installent une corde fixe.  Les porteurs passent difficilement avec leur charge et Joël, avec son mal des hauteurs, n’aura pas de très bons souvenirs de ce passage.  Mais…ça y est!  Une fois le passage fait, nous sommes au col!  Ganja La 5200m!!!!  Wow!!! Que nos sommes fiers de nous!  Tout le monde célèbre, mais pas pour longtemps car le col est tellement étroit que nous ne pouvons pas tous nous y tenir en même temps et avec le vent glacial et la brume qui arrive de derrière, on prend vite une ou deux photos avant d’amorcer la descente.

La descente est encore plus difficile que la montée et un des porteurs, voulant prendre de l’avance, chute et perd sa charge.  C’est du col que nous avons vu les deux brûleurs et le bidon de kérosène dévaler la pente raide.  Merde de merde.  Qu’allons nous faire sans brûleur???

Le terrain est l’enfer et avec la brume et le vent de face, cette descente est très pénible. On ne trouve pas d’eau donc nous devons pousser plus loin.  En plus, sans brûleur, impossible de boire quelque chose de chaud.  Une boîte de sardines avec quelques biscuits pour dîner et hop, on continue.  Dorje est originaire de cette région, il sait qu’il y a des karkas (abris de pierre) de yak man plus loin.  Il faut absolument s’y rendre pour la nuit.  On trouvera ensuite leur cachette pour le bois et on pourra se cuisiner un repas chaud sur le feu.  Les porteurs devront marcher plusieurs fois les 30 minutes aller-retour pour le plus proche ruisseau.  Quelle journée! 


Toujours en route vers le col (où l'on va)


5 novembre

Nous n’avions rien vu la veille des alentours à cause de la brume, donc quelle surprise en dézippant la tente pour le premier pipi matinal.  Nous sommes sur un petit plateau, surplombant une vallée et une rivière et bien sûr entourés de montagnes.  Nous mangeons, comme hier soir dans le karka et notre guide nous prépare un lunch car les chances de trouver du bois ou de l’eau sur la trail pour dîner sont minces.  En déjeunant, on apprend qu’un des porteurs est déjà parti pour Katmandu pour aller acheter de nouveaux brûleurs. Nous le retrouverons dans 3 jours, d’ici là, il faudra aller de karka en karka et toujours cuisiner sur un feu.  Quelle chance nous avons de trouver du bois dans cette région sans forêt.

La journée fut extrêmement difficile.  La fatigue et le froid nous grugent notre énergie.   Nous marchons sur une crête et passons de col en col.  Nous en traverserons 7 au total aujourd’hui et ne perdrons pas un mètre d’altitude.  Nous avons hâte de redescendre pour trouver un peu de chaleur.  En plus, nous sommes découragés et frustrés parce que nous passerons toute la journée dans la brume, donc nous n’avons RIEN vu.  Heureusement, la forêt est magnifique.  Des arbres tout rabougris couverts de nœuds et de mousse.  On voit des traces de coupe.  C’est ici que les yak man viennent faire leur provision de bois avant de monter haut dans les alpages avec leurs troupeaux pour la saison.  Nous n’avons pas vu personne depuis notre départ de Kyanjin Gompa.  Nous passons deux vieux stupas, on fait nous aussi une prière.


Une fois arrivés au point d’eau où nous devions camper, mauvaise surprise, la source est sèche.  Nous devons donc pousser encore une autre heure pour rejoindre un autre karka.  Le moral n’est pas fort, nous avons besoin de repos.  Souper autour du feu et dodo toujours aussi tôt.


Vue depuis le col Ganja La, 5200m.
La montagne brune plissée au fond, est le Tsergo Ri.
Le High Camp se trouvait au fond de la vallée
dans la coin inférieur droite de la photo


6 novembre 

Il a plu une bonne partie de la nuit, donc, il a neigé au col.  Pimba nous dit que nous avons eu une grande chance de pouvoir passer ce col, car avec cette nouvelle neige, il est certainement maintenant fermé pour la saison.  Nous avons été les derniers à y passer en 2006.  Il nous annonce aussi que demain nous allons arriver dans le village de Dorje et que nous dormirons dans sa maison.  En plus, pour laisser une chance au porteur d’aller et revenir de Katmandu, nous prendrons une journée off. Youpi!!!  Nous sommes super heureux!!!  Cela veut aussi dire qu’on va finalement pouvoir se laver.

Aujourd’hui, la journée est supposée être facile parce que ça descend tout le temps.  Par contre, pour moi, ce sera l’enfer.  Je me sens comme une vieille bonnefemme alors que les porteurs courent en descendant.  La forêt est de plus en plus belle et nous débouchons vite vers un monastère bouddhiste installé au milieu de la forêt.  C’est ici qu’un des frères de Dorje, un moine, a vécu pendant 3 ans, 3 mois, 3 semaines et 3 jours dans une minuscule bicoque en bois derrière le monastère.  Durant cette période de méditation, ils ne doivent jamais sortir, ne presque rien manger ou boire, ne pas se laver ou se raser et ne pas voir personne.  En regardant ces maisons de bois bric à brac, nous sommes très impressionnés.  Le monastère, quand à lui vient tout juste d’être reconstruit et nous pouvons admirer les artistes peintres à l’œuvre sur les murs.  L’endroit très tranquille, dégage une grande paix et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi ce lieu a été choisi pour y établir un monastère de montagne.

Peu de temps après le monastère, nous commençons à voir des traces de civilisation.  Des vaches broutent ici et là et un petit moulin est installé sur la rivière.  L’endroit est hyper calme et j’ai juste le goût de lambiner.  Une pluie fine commence à tomber.  C’est magnifique.  Nous traversons quelques ruisseaux aux eaux hyper limpides.  Nous avons tellement envie de prendre un bain….mais elle est glaciale et on réussit juste à s’y laver les mains.  Au détour d’un virage, nous voyons le village de Gang Karka avec ses maisons magnifiquement installées en haut d’une gorge alignée le long des champs en terrasses.  On s’aperçoit vite que les maisons sont vides.  Dorje nous explique, qu’avant les Maoïstes, il y avait 300 personnes dans le village.  Maintenant, ils sont tous partis sauf une douzaine, dont ses parents, son neveu et un autre enfant.  Triste.


La descente vertigineuse du col

La maison des parents de Dorje est de construction très traditionnelle avec des moulures aux fenêtres datant d’au moins une centaine d’années.  Tout est en bois et centré sur une pièce principale avec, au milieu, le feu.  Il y a pas mal de boucane mais avec le tonnerre et l’orage qui sévit maintenant, nous sommes heureux d’avoir un toit pour relaxer et une journée de repos en vue.  Nous dormirons dans la 2e pièce de la maison qui est normalement fermée car c’est la pièce des punjas (célébrations religieuses spéciales).

Vu que demain c’est congé, Joël paie une tournée de rachi (boisson locale à base de millet) aux porteurs et au guide (une bouteille chaque, alors qu’ils peuvent en boire 4 ou 5).  Nous y goûtons de la façon traditionnelle, c'est-à-dire chaude dans du beurre et avec un peu de miel.  Je ne peux vraiment pas dire que c’est bon, disons que ça te dresse les poils sur les bras, mais c’est bon de vivre cet instant avec nos guides.  Plus tard, dans la soirée, rachi aidant, tous chanterons et danserons dans des fous rires libérateurs.  Nous allons nous coucher, satisfaits.
 


Nos porteurs en action

 

7 novembre

Journée de repos!  Il fait super beau.  On se fait dorloter à rien faire au soleil à l’abri du vent, on se lave et faisons le lavage.  Pimba nous demande si nous aimons le poulet, ça fait 2 semaines qu’on ne mange aucune viande à part quelques trucs en boîte pas très bons. Ils envoient donc les porteurs au village voisin en acheter.  À l’heure du souper, toujours pas de trace de poulet ou des porteurs, nous mangeons donc comme d’habitude.  C’est seulement à la nuit tombée qu’un des porteurs rentre en trombe dans la maison, deux poules à la main complètement saoul.  Il nous raconte qu’il n’y avait pas de poulet dans le village voisin et qu’ils ont du aller au village suivant en prenant soin de le vider de tout son rachi avant.  Après 2 ou 3 villages comme ça, les porteurs ne pouvaient plus marcher et se sont endormis dans la jungle.  En nous racontant de façon endiablée son histoire, on se bidonnait!  Le père de Dorje est alors parti à leur recherche.  Tout ce beau monde est alors rentré une heure plus tard.  Nous avons baptisé cette histoire le « cococo expedition! »  Joël et moi en rions encore et ce fut le point tournant dans le groupe.  Après cette nuit, tous on été plus unis et tout ce qu’on entendait les porteurs se dire était « cococo expedition et plus jamais le Ganja La ».

Chrystine et Joël xxx

 

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