12. Journal de trek dans le Langtang
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Octobre 2006 - Dernière Partie

 


Vallée rejointe après la descente de la maison de Dorje

 

8 novembre


Ce matin, le ciel est beau et la journée sera supposément facile.  Cela veut dire que ça descend…mais par un short cut très raide, surtout pour mes genoux de moumoune. Plus on descend et plus l’environnement change.  Nous n’avons pas été si bas en altitude depuis longtemps.  Il fait bon de retrouver les forêts verdoyantes, les rivières et ruisseaux, les fleurs, la chaleur et surtout la VIE!  Depuis, que nous avons quitté Kyanjin Gompa, nous n’avons pas vu âme qui vive, sauf dans le village de Dorje, et aujourd’hui, nous nous baladons de villages en villages plus mignons et pittoresques les uns que les autres.  On croise des gens locaux sur le sentier et on voit plein de gens travailler aux champs de millet ou de riz.  On passe des maisons de construction typique où le maïs sèche au soleil.  C’est tout à fait enchanteur et on peut marcher sans constamment regarder où on met les pieds.  Avec le chant de la rivière qu’on longe et la bonne odeur de l’air, Joël et moi, on trippe! 


Récolte du riz

Un peu avant midi, on rejoint l’assez gros village de Yangri à 1600m d’altitude et il fait chaud.  Dans ce village il y a un petit magasin, nous étions désespérés et espérions y trouver du papier de toilette (disons que depuis quelques jours nous en étions à compter les carrés que nous utilisions).  Malheur aux touristes, ici, on ne vend que du kérosène, des cigarettes, de la gomme aux bananes, de menus articles et du Pepsi, pas de papier cul.  Les locaux n’en utilisent pas, alors pourquoi en tenir en stock alors qu’il ne passe jamais de touristes dans cette région.  Pour essuyer notre désespoir, nous avons pris le Pepsi. 

Autre bonne nouvelle, c’est dans ce village que nous retrouvons notre porteur parti pour Katmandu avec deux super brûleurs flambants neufs.  Il a fait ça vite.  Nous prenons un longue pause au soleil le temps de dîner et dire adieux à 3 porteurs.  Nous n’avons plus besoin du matos d’escalade pour le sommet et la réserve de bouffe a grandement diminué.  On diminue donc l’équipe.   Nous reprenons le sentier vers la montée en ligne droite, sans lacet, après avoir traversés un pont qui nous a donné toute une peur.  Nous montrons de 500m en 2 hrs, ça grimpe!  Nous avons retrouvé notre rythme, Pimba a compris que nous étions forts et en forme.  Bien souvent, nous sommes en avant des porteurs que nous devons attendre dans les montées.  La montée se passe principalement dans les champs de culture en terrasses et la vue est superbe.  Pas de gros sommets blancs, mais des vallées luxuriantes.  Nous passons encore quelques villages (toujours sans papier de toilette) et jasons un peu avec les gens aux champs qui travaillent vraiment fort.  Nous dormons sur la terrasse d’un homme qui vient tout juste de récolter son millet.  Vue grandiose!


Népalais qui se laissent photographier...assez rare.

 

9 novembre

 

Nous quittons ce dernier village et prenons l’embranchement vers Panch Pokari, la région des lacs sacrés, notre objectif.  La journée sera longue et difficile, parce que ça monte et que malgré toute l’humidité de la forêt, nous ne trouvons pas de point d’eau pour camper.  Nous avons donc monté un total de 1600m positif, mais si on ajoute les deux descentes qu’on a dû remonter, nous avoisinons certainement les 2000m de dénivelé.  Comme toujours le soleil brille en avant midi et le ciel se couvre vers midi.  Nous retournons en altitude et ce patron des nuages deviendra une grande source de frustration pour nous.  C’est tellement triste de parcourir de si beaux endroits sans rien voir. 


Le fameux pont qui nous a donné la trouille

Nous passons tout près d’un petit monastère de montagne et d’une grotte de méditation où un moine a certainement passé plusieurs mois, voire même années à y méditer.  C’est hallucinant.  Nous sommes toujours en forêt et le long de la route, nous voyons des planches de bois qui sèchent au soleil.  Les gens viennent ici pour couper les arbres et faire leurs planches.  Il n’y a malheureusement aucune réglementation à ce sujet, donc, nous remarquons que c‘est parfois fait de façon un peu sauvage.  On a même vu des coupes de bois dans les parcs nationaux.  Donc, vue l’abondance du bois, les karkas ne sont plus faits en pierre mais en bois.  Le sentier est en bon état puisque des centaines de gens l’empruntent chaque année en juillet pour aller faire leur pèlerinage à Panch Pokari mais plus ça va et plus nous ne voyons que des nuages.


Le village où nous avons dormi avant de prendre le sentier vers Panch Pokari

Lunch pris sur le sentier près d’une source d’eau.  Il recommence déjà à faire froid.  En après midi, nous avons poussé notre marche jusqu’à 5hrs avant de trouver une autre source d’eau.  Le problème cette fois : pas de place pour camper.  Mais qui a dit qu’on ne pouvait pas s’en « gosser » une?  C’est armée de couteaux de cuisine que notre équipe nous dégage une place pour la tente en plein milieu de la jungle.  Nous avons monté les tentes repas directement sur le sentier et avons fait un feu pour se réchauffer et se sécher.  De toutes nos vies, c’était certainement le pire emplacement de camping.  En plus, il a plu toute la soirée.


Ligne de la neige...ne vous inquiétez pas, tout de suite après la photo, il s'est habillé

10 novembre

 

Ce matin, le ciel est couvert.  On commence à monter dès la sortie de la tente repas et ce n’est pas long qu’on arrive à la ligne où la pluie d’hier est tombée en neige.  En même temps, on entre dans un épais brouillard et on n’en sortira pas de la journée.  Journée atroce, la pire depuis notre départ.  Le sentier est glissant, il vente, c’est hyper humide et on gèle.  En passant par un karka de yak man, redevenu en pierre puisque nous avons quitté la forêt, tout le monde prend une petite charge de bois sur son dos pour faire un feu ce soir (plus haut, il sera impossible d’en trouver).  C’est lourd, on traîne notre brassée les ¾ de la journée, mais on sera très heureux ce soir.


Temple de Shiva

Pour se positionner, les porteurs crient ou sifflent.  Les porteurs savent par les différents cris qui est où et comment ça va.  Nous sommes en avant des porteurs parce que nous ne voulons pas les attendre, seulement le cook, Dorje et un des porteurs nous devancent, de vraies gazelles ceux-là.  Aux intersections, ils ont gravé des flèches sur le sol, on les suit.  Le sentier est à flan de montagne et on s’imagine que c’est certainement beau.  C’est super décourageant surtout quand on pense que Panch Pokari est supposé être un endroit absolument fantastique, c’est un lieu sacré quand même.  On ne voit tellement rien, que lorsque nous arrivons près du premier des 5 lacs, nous ne sommes même pas certain si c’est un lac ou juste une plaque d’eau.  Nous crions et suivons toujours les voix pour finalement arriver dans un karka où le feu boucane déjà.  Ça y est, nous sommes à Panch Pokari.  On ne voit rien. 


Panch Pokari

Panch Pokari veut dire « 5 lacs ».  En juillet, 400 à 500 personnes montent ici en pèlerinage.  C’est un lieu hindouiste et il y un temple dédié à Shiva.  On dit que si on fait un vœu et qu’on demande quelque chose au lac, c’est certain que ça se réalise.  Je vous en reparlerai…  Durant les quelques jours que dure le pèlerinage, on dit que le gens boivent beaucoup et jouent aux fesses entre les rochers.  Tout un pèlerinage!

 

11 novembre

 

Paradis!  Jamais notre réveil n'aura été aussi merveilleux.  En sortant de la tente, nous admirons le panorama.  Nous sommes sur un petit plateau, entourés de montagnes, où se trouvent les 5 lacs sacrés de Panch Pokari.  En bas, des drapeaux de prières nous indiquent le temple de Shiva.  Les eaux bleu marine des lacs sont couvertes d’une mince couche de glace qui les rend encore plus féeriques.  Du karka, un peu plus haut que les lacs, on ne saisit qu’une partie de l’endroit; c’est au col, une fois en route, qu’on pourra en admirer toute la grandeur.  Le tout incite vraiment à un peu de méditation et de recueillement.  Il fait froid, mais on s’en fou, tout brille sous le soleil. 


Les deux amoureux au col de Panch Pokari

Avant de prendre la route, nous faisons un petit détour vers le temple de Shiva pour faire nos demandes.  Ensuite, nous partons faire la circonvolution des lacs dans le sens horaire en route vers le col.  Chaque point de vue s’avère plus intense que le précédent, quoi qu’une fois un sommet du col, nous ne trouvons plus les mots.  Que de beauté!  Devant nous, les 5 lacs et derrière, une mer de montagnes.  Comme on s’apprête à descendre, nous croisons deux chasseurs en gougounes dans la neige avec des paniers sur le dos.  Ils sont très beaux mais refusent de se faire prendre en photo.  Ils sont les premières et dernières personnes croisées pour plusieurs jours.

Le short cut de la descente s’avère bien sûr être l’enfer, mais les paysages sont à couper le souffle.  Nous voyons un peu de ce que nous n’avions pas vu hier.  Après, nous effectuons une longue traverse à flan de montagne qui mène ensuite sur une crête avec des vues des deux côtés.  Ça fait longtemps qu’on n’a pas eu de si beaux panoramas et même à midi le soleil brille toujours alors que nous mangeons notre lunch sur un gros rocher. Le sentier est facile et en super bon état.  C’est incroyable de voir comment les gens ont dû travailler fort pour le construire.


Un karka en pierres (maison d'été des yak men)

Vers 3hrs, alors que le soleil brille toujours (!), nous trouvons enfin une toute petite source à flan de montagne, mais toujours pas de place pour mettre les tentes.  Mais qui a dit que cela pouvait être un problème?  Après 1h30 de travail, à débroussailler et bouger les roches, nous avons une super terrasse pour mettre la tente.  Encore, ils ont réussi.  C’est très humide, alors, Pimba nous installe un rang d’épaisse mousse sous la tente.  Il y a du bois mort partout, les porteurs font un immense feu.  Mais on dirait que la fumée attire les nuages et encore une fois, nous ne pourrons admirer le coucher du soleil. 

 

12 novembre

 

Départ tôt ce matin, encore avec un lunch parce que personne ne sait où sera la prochaine source d’eau.  On devait avoir une journée facile (comme toujours avec des Népalais), mais nous montons pendant 1h30 pour passer un des derniers cols sur notre route.  Le soleil est de la partie, mais pas pour longtemps.  Nous avons par contre eu la chance de passer le col dans de belles conditions.  En après midi : bouillard.  Au col, le spectacle est féerique, une vue 360 degrés.  Nous voyons très loin et on peut même discerner le col de Ganja La.  Nous commençons à bien connaître la région et avec des points de repère, nous sommes capables de refaire notre route de vallée en col et de col en vallée.  À partir d’ici, nous allons graduellement redescendre et ces vues ne seront plus pareilles.  On ne veut plus quitter. 


Immensité...

On marche dans une superbe forêt sur une crête (d’où l’impossibilité de trouver des points d’eau).  Le brouillard est dense, encore une fois on s’imagine les vues.  On apprend en mangeant nos chapatis à midi, que les porteurs n’ont plus de bouffe et qu’il n’y a plus de riz non plus.  Que pouvons nous faire sans riz?  Ainsi, en plus de devoir trouver un point d’eau pour la nuit, nous devrons aussi trouver une maison ou une ferme qui pourra nous vendre quelques victuailles.  En raison des nuages, on ne voit pas loin, mais j’ai pas le feeling qu’il y a quelque village dans les environs.  L’après-midi sera longue….surtout qu’elle se terminera par une longue descente difficile.

Nous nous arrêtons à la première maison que nous croisons.  Nos porteurs y sont déjà (ils courent dans les descentes) et les réserves de chang (bière locale) sont bien entamées.  Dans une petite annexe à la maison, où la famille semble vivre, on nous sert des patates bouillies qu'on épluche avec les doigts et trempe dans le sel.  L’endroit enfumé, est fascinant.  Tout pour vivre s’y trouve et tout le monde est assis autour du feu.  Au plafond, des morceaux de fromage sont enfilés sur une corde pour sécher, ou plutôt se faire fumer.  Même chose pour des lambeaux de viande quelconque. 


La brume....scène de la vie quotidienne!!

Ce soir, nous mangeons tous dans la tente repas et les relations avec les porteurs sont de plus en plus sympathiques, surtout depuis le Cococo expédition!  Nous sommes crevés car nous venons de faire 4 jours de marche en 2 jours en raison du manque d’eau, mais il fait enfin chaud.  Avec un petit verre de rachi, ce n’est pas long que tout le monde chante et danse. 

 

13 novembre

 

Nous avons planté la tente dans un champ qui surplombe la vallée.  Ce matin quelle surprise, nous qui pensions que c’en était fini des panoramas montagneux… Nous avons droit au lever du soleil directement depuis nos sacs de couchage dans la tente sur le massif du Langtang.  Il fait chaud, donc nous avons dormi la porte ouverte…quel moment!  Surtout que ce matin c’est repos.  Étant donné que nous avons pris de l’avance, on aurait pu terminer le trek aujourd’hui, mais nous n’étions pas prêts mentalement à rentrer à Katmandu.  Nous avons donc décidé de prendre un avant-midi à se prélasser au soleil et à se laver et de couper le trajet qui reste à faire en deux. 

Nous partirons donc vers midi pour une petite balade de 3 hrs.  Sur le sentier, nous croisons de plus en plus de gens et les dénivelés sont beaucoup moins grands.  Il y a des maisons, de petits villages et des champs en terrasses partout.  C’est réconfortant, après tant de temps dans l’arrière pays, de voir de la civilisation.  Mais tout à coup, elle est arrivée trop vite, le choc.  Nous avons débouché dans le village de Syaule, un gros village, plein de monde.  Le village grouille de vie.  Les enfants nous suivent en mendiant, les échoppes regorgent de fruits, de bière, de Pepsi…nous salivons.  Ici, des femmes qui font leur lavage, là, des enfants avec leurs habits scolaires bleu pâle sortent de l’école.  De ce côté, des hommes jouent aux pichenottes et de l’autre, ils vident un camion de caisses de bière sur leur dos.  Partout, partout ça bouge.  Quelle stimulation après tant de tranquillité.


Maison enfumée

Où allons nous camper?  Notre guide, trouve une terrasse un peu en hauteur à la sortie du village.  Contrairement à hier soir et ce matin où nous avions un spot des plus tranquilles, ici, la foule nous envahit.  Un groupe d’une trentaine d’enfants nous espionnent, les adultes restent loin, mais nous regardent quand même.  Notre guide nous dit de bien garder un œil sur notre matériel, nous approchons de la ville et les risques de vol sont grands.  D’ailleurs, toute la nuit, un porteur fera le guet.

Je m’amuse avec les enfants et je prends des photos.  Quelques uns disparaissent dans le petit bosquet et reviennent avec des bouquets de fleurs….trop cute!  Le soir dans la tente, c’est le party.  Les liens sont de plus en plus forts et encore une fois avec un verre ou deux de rachi tout le monde chante et danse.  Nous sommes tristes de savoir que demain sera notre dernière journée.

 


Lever de soleil avant de partir pour Syaule

14 novembre

 

Ce matin, nous faisons seulement quelques heures de marche tranquille sur une route de terre qui n’est pas encore officiellement ouverte en raison d’une base de l’armée.  Nous savourons chaque instant, on sent la fin proche.  Nous avons eu un super trek, et autant qu’on a hâte de rentrer et de retrouver un peu de luxe, autant nous repartirions vers un autre sommet. 

Il y a vraiment beaucoup de gens sur le sentier, les Namaste fusent de partout.  Chautara est une ville où tous les habitants des alentours viennent pour le ravitaillement, nous arrivons dans cette jungle encore plus imposante qu’hier car c’est vraiment ici que la route débouche.  Il y a du monde, mais surtout du bruit et avant même d’arriver dans la ville, nous avons commencé à entendre nos premiers klaxons : horreur!!!  Nous traversons la ville, tous nos sens sont en éveil.  Vu qu’il serait dangereux de camper, nous louons un hôtel et on installe la tente repas sur la terrasse du toît.  Nous ne sommes pas encore assis, il est 10 heures du matin et Joël me débouche une bière « froide »!  Chin chin!  Une autre étape d’accomplie.  Au soleil, et aussi tôt le matin, cette bière nous saoule rapidement….mais on s’en fout!  C’est ça la vie!!!  Nous sommes heureux et fiers!


Enfants lors de notre dernière nuit de camping

Ce soir-là nous aurons tout un party avec la troupe sous les étoiles, bien arrosé de bières, mélangées au rachi.  Bien sûr on chante et on danse, mais surtout on se remémore les grands moments, comme le passage du col, la chute du porteur et la perte des réchauds et surtout, surtout, le fameuse Cococo expédition!!!  Nous rions tous de bon cœur.


Je me fais cruiser !

Demain, la jeep de l’agence viendra nous chercher pour nous conduire à Katmandu.  En guise de remerciement pour toute l’équipe, nous leur remettons un généreux pourboire et faisons un tirage de plus de 25 pièces d’équipement.  Nos Gore-Tex, bottes de rando, matelas de sol, vêtements, bas, etc trouvent tous preneurs et aux sourires que nous voyons, tout le monde est heureux.   


C'est terminé, Chin Chin !!!

Vive le Népal!

 

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